Tuesday, July 14, 2009

Interview

J'ai décidé de faire une petite interview à mon homologue. J'espère pouvoir "interviewer" d'autres acteurs dans mon milieu. Si vous avez des suggestions de questions à poser, n'hésitez pas à me le faire savoir! Bonne lecture!

M. Marcel Kan - agent de développement bissap’s à l’UGCPA

  • 1 femme-1 fille et 3 garçons
  • Travaille à l’Union depuis 15 ans
Qu’est ce qui ne va pas au Burkina et qu’est ce qu’il faudrait faire?

Les gens ne mangent pas à leur faim et ils n’ont pas accès aux soins. Parfois les centres sont trop loin pour y avoir accéder facilement. Selon moi, le problème vient du gouvernement. Mon enfant pourrait aller à l’école gratuitement, avoir le droit d’avoir aux soins gratuitement, pouvoir avoir accès au traitement gratuitement, mais non, il faut toujours payer. Dans certaines régions, le gouvernement a installé une prise en charge de scolarisation des filles. Tous les frais de scolarité sont couverts comme les livres etc. Je trouve que ce sont ce genre d’initiatives qu’il faut encourager. Il y a des régions comme la notre qui est délaissée par les premiers responsables du pays. Exemple c’est la seule région du Burkina qui n’est pas reliée à la capitale par le goudron. Ce qui veut dire que la région est totalement enclavé alors qu’elle est appelée le grenier du faso.
Mais, il faut encore une politique pour sensibiliser à l’éducation. Aujourd’hui, pour un enseignement de qualité, il faut envoyer tes enfants dans le système privé. Dans le public, les enfants sont trop pour un seul professeur (souvent 100 élèves pour 1 professeur). Les élèves ne sont pas suivis, il n’y a pas assez de place, peu d’enseignants. Il y a un manque d’infrastructure. Les professeurs qui enseignent plusieurs matières trouvent plus facilement un emploi car on peut les utiliser pour plusieurs matières. Les jeunes professeurs ne veulent pas aller dans les zones rurales car en ville, ils peuvent suivre des cours du soir pour se perfectionner ou bien donner des cours privés alors qu’en campagne les gens n’ont pas les moyens pour de telles dépenses.

Le Burkina connaît aussi des problèmes de terre et d’accès à la terre. À cause des pressions démographiques et financières d’aujourd’hui, les producteurs utilisent la terre jusqu’au bout sans la laisser se reposer pour qu’elle récupère sa richesse et sa fertilité. La terre devient donc pauvre et dégradée. À cela se rajoute l’érosion qui vient aggraver le problème. Les producteurs sont encore trop peu mécanisés, ce qui rend le travail plus long et demandant.

Aujourd’hui, les semences sont un élément essentiel pour la réussite agricole, les producteurs sont en train de le comprendre. Il faut aussi enrichir le sol en rajoutant de la fumure organique. Mais tout cela passe par de la sensibilisation comme le fait l’Union. Depuis quelques années, les producteurs se rendent compte que le climat varie : les pluies n’arrivent pas quand elles le devraient, sont parfois plus courtes etc. Les semences doivent donc être adaptés à des cycles courts pour pallier à ces changements climatiques. On dit que l’homme est à la source de ces changements climatiques. Il est donc important qu’il change son comportement en : encourageant à reboiser, à utiliser de moins en moins les engrais chimiques, les pesticides et autres qui dégradent davantage les sols, prendre le bus dans les localités où il y a le bus, aller à vélo de temps en temps, marcher de temps en temps, utiliser un carburant moins polluant si possible etc.

Que pensez-vous de l’aide pour le développement du Burkina Faso?

Je pense que le pays ne peut pas s’aider tout seul. Parfois, les critiques que l’on reçoit des étrangers peuvent être constructive. En étant burkinabé, il y a des choses dont on ne se rend plus compte alors qu’un regard extérieur peut nous le faire remarquer. Je pense que selon moi, le vrai changement serait de changer les mentalités mais je pense aussi que c’est un des plus gros obstacle. Les personnes âgées gardent un esprit très conservateur, quasi féodal, alors qu’avec la mondialisation, les jeunes changent leur mentalité. Je pense que si une personne est préparée et avisée, on peut la changer. Par exemple, au début de l’ordinateur, on se disait que c’était compliqué alors qu’en fait ce n’est pas très sorcier, il suffit juste d’avoir l’opportunité.


Dans les villages, lors des élections, on offre des casquettes, des t-shirts bref plein de cadeaux pour que les habitants votent pour tel ou tel parti. Comme l’analphabétisme est encore très présent dans ces communautés, on profite totalement de la crédulité de ces habitants. Pour eux, ce geste représente un geste d’aide. Au Burkina, vu qu’il y a plusieurs ethnies, le choix des gens est aussi encore beaucoup influencé par l’appartenance à telle ethnie ou telle région. Toutes ces barrières rendent le changement des mentalités très difficile.

Le problème des projets de développement et même de certains projets locaux est que l’on reçoit le matériel mais il n’est pas adapté aux besoins des communautés. Si aucune étude de milieu et aucune consultation des populations n’est faite au préalable, ça ne marchera pas. Au début, même le projet que l’Union avait lancé pour la commercialisation des céréales n’avait pas bien été approché. L’Union avait seulement insisté sur l’ajout de 200 à 400 CFA de plus par sac qu’un simple commerçant. Quand le prix du commerçant devenait plus élevé que celui de l’Union après le retrait du projet, les producteurs se plaignaient et certains vendaient aux commerçants. Ils se sont alors rendu compte qu’être membre de l’Union apporte d’autres avantages comme les PA1, de pouvoir avoir des intrants à crédit et souvent subventionnés (20 000 CFA à l’Union contre 22 500 CFA non subventionné), les différentes formations, les semences moins chers etc.

Pensez-vous que l’émancipation est perçue de manière négative?

On parle beaucoup de femmes leaders. Le problème c’est que certaines femmes utilisent ce terme en se considérant émancipé et vont alors aller tempêter jusque dans le couple et le foyer. Certaines personnes ont donc une vision négative de l’émancipation car elle est perçue comme une discorde. L’émancipation des femmes est perçue comme une obéissance de la part des hommes. C’est donc pour ça que beaucoup favorisent l’éducation des hommes. Et pourtant les femmes sont plus nombreuses que les hommes mais elles n’atteignent pas souvent l’école secondaire, ou bien continue un peu mais quitte très tôt pour aller travailler.
Je pense que le concept de l’émancipation de la femme n’est pas encore compris. Comme l’émancipation a causé des ruptures, certains hommes n’aiment pas ça. Et pourtant, qui ne veut pas d’une femme instruite, une femme qui travaille et aide le foyer? Les femmes sont très intelligentes. Elles travaillent fort et sont honnête. Elles occupent souvent des postes de gestion (comptabilité, cadre de banque ou dans les assurances) car pour ce genre de poste, on fait plus confiance à une femme qu’à un homme. Malheureusement, dans la mentalité de nos parents, on préfère les garçons aux filles. La femme reste celle qui s’occupe uniquement que de la famille. Si passé un certain âge, une fille n’est toujours pas mariée, on la classe.